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Le pasteur MARTIN DUPONTLa Roque d’Anthéron 1873 1876

Le pasteur Paul Ferdinand MARTIN DUPONT

MARTIN DUPONT est originaire de Saint Laurent du Cros dans le Champsaur (Hautes Alpes). Il a 70 ans à son arrivée à La Roque d’Anthéron. Il vient de passer 30 ans à la direction de la colonie agricole pénitentiaire de Sainte Foy (dans le domaine des Bardoulets), sur la commune de Sainte Foy La Grande (Gironde). Cette colonie agricole a été fondée, en 1843, par Agénor de GASPARIN, député et protestant. Elle est la deuxième colonie créée en France après celle de Mettray (Indre et Loire), dirigée par le clergé catholique.

Cette colonie agricole pénitentiaire est destinée à recueillir les jeunes détenus protestants, jusque là disséminés dans les prison de l’état. Voir Histoire et Patrimoine pénitentiaire.

Le pasteur MARTIN DUPONT de santé fragile va rester moins de 3 ans à La Roque d’Anthéron. Il se retire par la suite chez un de ses fils, médecin de marine, à Toulon où sa femme va décéder peu après. Lui-même décède le 26 septembre 1876, à l’âge de 73 ans.

Les impressions du pasteur MARTIN DUPONT

Ce pays du Midi, dès que le jour fut venu, me parut sévère, sombre, gai nulle part. De Narbonne à Avignon, des roches nues; d’Avignon à La Roque, des contrées désolées sur le parcours de la Durance. La vallée est dominée par de très hautes collines sans verdure, sans rien qui repose agréablement la vue. Cependant, çà et là quelques pins rabougris et des chênes nains ; sur les bords de la Durance, de vastes bancs de gravier ou des flaques d’eau avec des roseaux clair-semés. Les eaux de la rivière se divisent en plusieurs bras, séparés par des espaces quelquefois étendus, pour se
rapprocher et se réunir plus loin en cours rapide.

Les deux chaînes de montagnes qui dominent la Durance, appelées l’une la chaîne des Côtes, l’autre du Lubéron, ont de six cents à mille mètres d’altitude. Celle de droite est plus accidentée, elle a des points élevés et quelques aiguilles élancées. Les montagnes de gauche sont plus uniformes et nues. Il n’y a de gazon nulle part; c’est rocailleux, sévère ; il n’y a d’autre agrément pour le regard que la vallée et les nombreux villages assis la plupart sur les bords de la Durance. La grâce, la fraîcheur manquent. Ce qu’il y a de vraiment beau dans cette contrée, c’est le matin avant que le soleil ne plonge au fond de la vallée, et le soir à mesure qu’il s’en éloigne, ses reflets d’or sur les plus hautes cimes comme une flamme d’incendie, C’est toujours nouveau, c’est ravissant toujours.

La Roque d’Anthéron est un gros village ramassé, avec quatre rues droites et larges; son aspect est triste. L’Église réformée compte à La Roque environ soixante familles; elle a un temple, une école, un presbytère. Cette église était pauvre de foi et de zèle; il ne paraissait presque plus d’hommes au temple; il y manquait aussi beaucoup de femmes ; sur cinquante chefs de famille, on en voyait venir tout au plus cinq, six, quelquefois huit. On compte à La Roque trente mariages mixtes, c’est une lèpre pour l’Église, une mutilation volontaire qui aboutira à la dissolution du corps tout entier. J’en avais l’âme navrée.

Au reste, ce qu’on demandait au pasteur, c’était de baptiser, de présider à la bénédiction des mariages, d’enterrer les morts ; et rarement les fidèles dépassaient-ils le fait matériel de ces pratiques pour s’élever à la pensée qu’elles renferment.

On baptise parce qu’on a toujours baptisé; le baptême comme signe de purification intérieure, comme symbole de la rémission des péchés, comme témoignage de foi, comme attestation que l’on est membre du corps de Christ, que l’on est mort et ressuscité avec le Christ pour vivre d’une vie nouvelle, en un mot le baptême comme sceau de la grâce et de la régénération par l’Esprit, préoccupe peu. C’est trop spirituel ou trop simplement chrétien.

L’enterrement des morts par le pasteur n’a pas lieu partout. Nos pères, pour rompre absolument avec les prières pour les morts des catholiques romains, avaient, par un article de la discipline des Églises réformées, formellement interdit au pasteur de se montrer à l’enterrement et plus encore d’y officier. C’était, il nous semble, d’une extrême rigueur. Les enterrements offrent l’occasion de parler plus directement au cœur de plus d’un, et il y
aurait dommage à n’en pas profiter.

Extrait de « mes impressions »

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