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Le contexte de l'époque
Nous sommes en décembre 1917, la guerre semble évoluer en faveur des Alliés. Après la révolution qui a mis à terre le tsar Nicolas II, la Russie est sur le point de sortir définitivement du conflit.
En Italie, la bataille de Caporetto (aujourd’hui Kobarid en Slovénie) s’est terminée le 9 novembre avec une victoire écrasante pour les Français et leurs alliés britanniques.
À quelques jours de Noël, des permissions de quinze jours pour passer les fêtes en famille sont accordées aux soldats français engagés en première ligne à Caporetto, notamment à ceux qui ont déjà combattu auparavant sur le front de l’Est. Plusieurs trains, bondés, sont donc prévus depuis l’Italie, à destination de Lyon et de Chagny, en Saône-et-Loire.
Fernand Victor POUSSEL soldat au 203ème Régiment d'Infanterie
Fernand Victor POUSSEL, natif de La Roque d’Anthéron est l’un des permissionnaires montés dans le train en direction de Lyon. Marié, il est papa d’une petite fille, Fernande, 3 ans. Ce soldat périt dans l’accident. Sa fille se mariera avec un habitant de La Roque d’Anthéron, Maurice MAGNAT qui, lui, sera fusillé par les Allemands en 1944 dans le maquis de Sainte Anne. Fernand Victor POUSSEL est lié à la famille ROUX par sa soeur Rose Marie POUSSEL mariée au petit fils de Thérèse Marthe ROUX, elle-même, fille de Toussaint ROUX & Marthe MICHEL.
L'organisation du convoi
Le 11 décembre 1917, un convoi de 17 voitures (toutes en bois) de 350 mètres de long, avec à son bord plus de 1 000 permissionnaires français entassés, quitte Bassano del Grappa, petite ville située entre Trévise et Vicence. Il passe à Turin puis franchit la frontière au tunnel du Fréjus.
D’abord partagé en deux, le train est reconstitué à Modane, qu’il quitte le 12, à 22 h 47, en direction de Chambéry.
On imagine l’ambiance qui règne à son bord : les permissionnaires sont ravis à l’idée de revoir, enfin, femme et enfants, parents, frères et sœurs.
Le train entame sa longue descente vers la vallée. Le dénivelé de la pente de 17 km, entre Modane et Saint-Michel-de-Maurienne, est très fort. Poids du train, 530 tonnes… à vide. 350 mètres de longueur.
A ce jour, on ignore encore les raisons exactes de l’accident… Mais on sait que le règlement de la ligne prévoit deux motrices pour pousser et retenir les trains. Mais il n’y en a qu’une.
Toutes les voitures sont équipées d’un système de freinage automatique, mais pourquoi… celui-ci n’est activé que sur les trois premières au profit du seul freinage manuel sur les autres wagons…
Le drame du 12 décembre 1917
Trop lourd, le train prend de la vitesse, atteignant de 135 à 150 km/h selon les estimations, et devient incontrôlable. Louis Girard, le mécanicien, a beau actionner le sifflet de la locomotive pour alerter les serre-freins, rien n’y fait : la première voiture déraille dans un tournant au lieu-dit La Saussaz, à une centaine de mètres du pont ferroviaire qui enjambe la rivière l’Arc.
Elle entraîne avec elle tous les wagons qui s’écrasent contre un mur de soutènement et contre le pilier nord d’un pont routier, s’encastrant les uns dans les autres. La locomotive se détache et continue son trajet, déraillant peu après en arrivant dans la gare.
Girard aura la vie sauve car il saute en marche.
Bilan officiel : 435 morts, dont 433 militaires, et des centaines de blessés. Sur plus de 1 000 hommes, 183 répondent à l’appel le lendemain de la catastrophe. Seuls 128 morts sont identifiés.
Le déraillement de Saint-Michel-de-Maurienne, sera pendant longtemps la plus grande catastrophe ferroviaire du monde, reste aujourd’hui la cinquième de l’histoire et la plus grande jamais arrivée en France.
Survenu en pleine guerre de 14-18, l’accident sera volontairement passé sous silence par les autorités et conservé au secret militaire.
Au cours du XXe siècle, grâce au travail d’archivistes et d’historiens, il sortira peu à peu de l’ombre. Avec ses victimes, mortes sur le coup, ou dans d’atroces conditions, le corps disloqué et brûlé dans l’incendie qui s’est déclaré avec l’accident.
En 1972, le magazine « Historia » consacre à la tragédie un article qui constitue une première étape vers le souvenir. Il est suivi en 1996 par un article de « Rail Passion, » mais un vrai travail de recherches archivistiques ne sera effectué qu’en 2007, à la demande d’André Pallatier, un habitant de Saint-Michel-de-Maurienne, lieu de l’accident. Après plusieurs années de travail, ce dernier publie un livre enfin dûment documenté : « Le tragique destin d’un train de permissionnaires », Éditions l’Harmattan, 2013.
Un devoir de mémoire
Victimes indirectes de la Grande Guerre, les noms des soldats qui ont péri dans le déraillement ne sont gravés sur aucun monument aux morts.
Pour achever ce devoir de mémoire, des généalogistes bénévoles ont voulu mettre un nom, une famille et une histoire sur chacune d’elles. Le fruit de leur travail, un arbre généalogique interactif réalisé à partir des 434 victimes (les généalogistes ont réparé une erreur historique, un nom avait été ajouté à la liste officielle par erreur), est accessible en ligne sur Geneanet. Ce site Internet permet aux internautes de rechercher en temps réel leur arbre généalogique parmi plus de 8 milliards de personnes référencées.
L’arbre généalogique « L’accident de Saint-Michel-de-Maurienne » reconstitue ainsi les familles et les généalogies des victimes de l’accident, en majorité donc des soldats permissionnaires. Il compte plus de 33 000 personnes et concerne des familles de toute la France.
J’avais traité ce sujet pour 3 soldats du Loir bet Cher il y a quelques temps.