Smyrne au temps de la famille GIGNOUX de Lyon (1876-1886)
La ville fut l’une des plus importantes « échelles du Levant », mot qui provient du génois scala signifiant « escale ». Dans ces « échelles », des Occidentaux catholiques, notamment italiens et français, s’installèrent, protégés par les « capitulations » (privilèges obtenus à l’issue d’une guerre par le pays vainqueur) : on les y appelait les « Francs » (« Frenkler », en turc) ou les « Levantins » (« Levantenler », en turc) et leur prestige était tel, que par conversion ou mariage des familles grecques ou arméniennes s’y intégrèrent, à l’exemple de la famille Balladur. Au point qu’au xixe siècle, Smyrne est appelée le « petit Paris » et que le port de Smyrne était réputé pour son caractère cosmopolite.
« On observe chez les Ottomans non-musulmans (arméniens, juifs et grecs) une spécialisation et une division implicite du marché. Les arméniens, forts d’un réseau “diasporique” qui s’étend de la Chine jusqu’à Amsterdam dominent le négoce international, et notamment le commerce avec les régions orientales de l’Empire ottoman; ils contrôlent les pistes de caravanes et exercent un monopole sur les produits originaires de Perse dont la soie (tout en étant très actifs dans le commerce d’autres produits de luxe en provenance de l’Orient, épices, parfums et bijoux). Ils sont également courtiers auprès de maison de commerce européennes mais aussi agents et banquiers de grands propriétaires terriens turcs.
Les juifs assurent des fonctions financières -prêteurs et percepteurs d’impôts et taxes- mais sont aussi traducteurs, tanneurs et bijoutiers.
Les grecs, moins nombreux bien que plus anciennement établis à Smyrne, sont surtout actifs dans le commerce de détail et le secteur des services (hôtellerie, restauration, services liés au transport maritime).
En raison de leur connaissance des us et coutumes et de la langue des turcs, de nombreux juifs et chrétiens ottomans (grecs ou arméniens) sont choisis comme “intermédiaires diplomatiques-traducteurs” (les Drogmans) ou comme agents commerciaux par les puissances européennes. La position la plus convoitée est celle de Drogman en raison des nombreux avantages et privilèges qu’elle emporte.
Quant aux arabes ils organisent pour le compte des marchands les caravanes qui partent vers l’Est chercher épices, soies, et autres marchandises.
Les affaires sont au centre des préoccupations des résidents de Smyrne. Les litiges abondent certainement entre ces communautés de marchands ottomans, arabes, et européens (ces derniers bien que chrétiens ne forment pas, loin s’en faut, un bloc monolithique, et l’on peut deviner les rivalités qui ont pu opposer génois, vénitiens, français, hollandais, anglais ou autrichiens).
Les négociations, intrigues, et transactions doivent se succéder à un rythme effrayant, accélérées par le fait que la semaine à Smyrne ne compte que quatre jours ouvrables (les musulmans observant le repos le vendredi, les juifs le samedi, et les chrétiens le dimanche). Les riches commerçants européens et chrétiens ottomans se concentrent essentiellement autour de la rue Franque qui longe le front de mer sur une grande distance. Les marchands les plus aisés ont acquis la plupart des terrains en bord de mer pour y construire maisons et entrepôts, assurant ainsi une certaine discrétion à leur commerce, toutes les marchandises n’étant pas forcément à exposer aux regards indiscrets des autorités portuaires ottomane. »
Extrait du site Cercle du Levant édité par un descendant de familles ayant vécu à Smyrne
La famille GIGNOUX POTTON de Lyon a passé 10 ans à Bournabat et Smyrne (de 1876 à 1886). Victor GIGNOUX est négociant en vin.
Des nostalgiques de Bournabat ont publié le site Levantine heritage
« Smyrne n’a cessé d’inspirer les écrivains voyageurs et les poètes, surtout entre les 17-19ème siècles, âge d’or du Levant et du « levantinisme ». A cette époque, tous les écrivains européens qui entreprenaient leur «Voyage au Levant» se devaient de passer par Smyrne. Ainsi Lamartine qui la comparait à Marseille et voulut acheter des terres dans les environs pour s’y établir définitivement et produire du vin…sans parvenir toutefois à concrétiser son rêve. S’il l’avait fait, Lamartine aurait pu alors partager le mode de vie des familles aisées de Smyrne qui ne passaient que l’hiver dans la cité portuaire avant d’installer leurs quartiers d’été dans leur ‘koula’ (c’est-à-dire propriété ou maison de campagne) dans la campagne environnante, principalement les villages de Cumaovasi, Hacilar, Bornova (ou Bournabat également surnommé le ‘Village Français’) et de Buca (ou Boudja), situé entre le Mont Pagus et les anciens aqueducs romains de la vallée de Sainte Anne et qui fut surtout prisé par les anglais, américains, hollandais et grecs.
Lord Byron y écrivit des poèmes. Smyrne inspira également le grand Hugo:
Smyrne est une princesse
Avec son beau chapel
L’heureux printemps sans cesse
Répond à son appel
Et, comme un riant groupe
De fleurs dans une coupe
Dans ses mers se découpe
Plus d’un frais archipel
Victor Hugo, Les Orientales (1829)
C’est dans cette Echelle du levant, dynamique, cosmopolite, bruyante, où étaient parlés tour à tour et parfois dans la même phrase, le grec, l’italien, le français, et le turc, qu’ont vécu mes ancêtres et sans doute les vôtres si vous êtes parvenus jusqu’à mon site. »
Extrait du site Cercle du Levant édité par un descendant de familles ayant vécu à Smyrne