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L’Expédition autour du monde (1785-1788)

Trajet emprunté par l'expédition de La Pérouse de Brest jusqu'à Botany Bay (1785-1788).

Le 29 juin 1785, Louis XVI missionnait La Pérouse.

Une jolie légende veut que, quelques instants avant de quitter sa prison pour l’échafaud, Louis XVI ait demandé si l’on avait « des nouvelles de monsieur de La Pérouse. » Rien ne l’atteste avec certitude mais, comme le conseillait John Ford, « quand la légende est plus belle que la vérité, imprimez la légende. »

Cela faisait en effet plus de sept ans qu’on était sans nouvelles de cette expédition à laquelle le roi avait prêté un intérêt tout particulier.

Louis XVI passionné d'expéditions navales

Féru de marine, de progrès scientifique et technique, de connaissance de la Terre, Louis XVI se passionnait plus spécialement pour les expéditions navales. Deux d’entre elles avaient déjà, au cours du règne précédent, frappé les esprits : le tour du monde de Bougainville, de 1766 à 1769 et la découverte des terres australes par Kerguelen en 1772. Et, lorsque l’anglais James Cook partit pour son troisième et dernier voyage, en 1776, Louis XVI donna l’ordre à sa marine de le traiter comme « s’il commandait des bâtiments de puissances neutres ou amies. » En 1778, lors de l’entrée en guerre de la France contre l’Angleterre, aucun contrordre ne serait donné à ce sujet.

Nouvelle expédition dans le Pacifique

En mars 1784, Pierre Claret de Fleurieu, capitaine de vaisseau et directeur des ports et des arsenaux, caressa l’idée d’une nouvelle expédition dans le Pacifique, avec des objectifs très larges, à la fois géographiques, ethnologiques, médicaux, économiques, commerciaux et politiques, et des ambitions considérables :

  • parcourir le Pacifique nord et sud jusqu’en Australie,
  • ouvrir ainsi de nouvelles routes maritimes, ramener des végétaux inconnus,
  • étudier les possibilités de pêche, notamment à la baleine, établir un commerce des fourrures entre les nouveaux États américains et la Chine,
  • ouvrir éventuellement de nouveaux comptoirs,
  • enfin expérimenter de nouveaux modes de traitement contre les maladies liées à la navigation et à la longue présence en mer.

Encouragé par le roi à développer son projet, Claret de Fleurieu lui soumit, le 15 février 1785, un mémoire détaillé. Comme l’a noté Jean-Christian Petitfils dans sa biographie de Louis XVI, l’expédition projetée présentait, par ses moyens et ses intentions, bien qu’à plus petite échelle, quelque ressemblance avec la future expédition d’Égypte de Bonaparte.

On décida d’affréter deux frégates, dont une partie des canons serait remplacée par des équipements scientifiques et sur lesquelles embarqueraient des ingénieurs de diverses spécialités, des physiciens, des chimistes, des astronomes, des naturalistes, des entomologistes, des médecins… En tout 227 personnes.

Le comte de La Pérouse

Qui choisir pour diriger l’expédition ? La Pérouse s’imposait par son expérience et par l’aide qu’il avait déjà apportée aux travaux de Fleurieu.

Né en 1741 au château de Gô, près d’Albi, bien loin des côtes, Jean-François de Galaup, plus tard comte de la Pérouse, seul enfant mâle de sa famille, était plutôt destiné à une carrière de magistrat ou de soldat que de marin. « Homme libre toujours tu chériras la mer » chanterait Baudelaire quelques soixante-dix ans plus tard dans un de ses plus fameux poèmes. Il aurait pu l’écrire pour le jeune La Pérouse. Passionné de débats philosophiques et désireux de participer à la réalisation des idées nouvelles, il fut probablement fasciné par les récits de voyage d’un cousin, Clément Taffanel de la Jonquière, qui avait commandé plusieurs frégates. Lequel l’encouragea à choisir la carrière maritime et lui servit de mentor. C’est donc à quinze ans, en 1756, que La Pérouse quitta sa région natale pour Brest, le grand port atlantique de l’époque, afin de s’engager dans le corps des Gardes de la marine.

Après un parcours relativement classique pour l’époque, c’est-à-dire tourmenté du fait des conflits à répétition impliquant la marine, notamment pendant les guerres de Sept ans puis de l’Indépendance américaine, et un avancement plutôt rapide – capitaine de vaisseau à trente-neuf ans -, La Pérouse était considéré en 1785 non seulement pour sa grande expérience technique mais aussi pour ses qualités humaines qui le rendaient très populaire auprès de ses hommes. C’est donc tout naturellement que son nom s’imposa pour diriger l’expédition dont Fleurieu faisait rêver Louis XVI.

Célébration du lancement de l'expédition

La réception que ce dernier lui réserva, le 29 juin 1785, à Versailles, a donné lieu à un célèbre tableau de Nicolas-André Monsiau, peint en 1817 sur la commande de Louis XVIII, en pleine Restauration triomphante et première réhabilitation de la mémoire de Louis XVI. La remarquable composition de l’œuvre place en son centre un globe terrestre et une vaste carte du monde que La Pérouse a déployée devant le roi. Derrière lui se tient, attentif mais néanmoins au second plan le maréchal de Castries, ministre de la Marine. Sur la gauche, une console sert de présentoir à un buste d’Henri IV. Un peu à l’écart, dans l’embrasure, deux hommes que l’on mit du temps à identifier : les frères de Laborde, officiers de marine réputés dont l’un est l’ascendant de l’amiral de Laborde qui ordonna le sabordage de la flotte de Toulon en 1942… Le tableau est aujourd’hui exposé au musée de Versailles.

Auteur du texte : Daniel de Montplaisir, historien

Louis XVI donnant ses instructions au capitaine de vaisseau La Pérouse pour son voyage d’exploration autour du monde, par Nicolas-André Monsiau (1817)

Selon l’allégorie, Louis XVI donne ses instructions au navigateur. En vérité, l’expédition fut préparée avec un soin extrême, mettant à contribution les plus grands savants de l’époque, dont Buffon et Lavoisier, ainsi qu’un nombre considérable de géographes et de marins. Les deux navires, eux aussi choisis avec soin, changèrent de nom pour l’occasion et furent rebaptisés l’Astrolabe, qui désignait un instrument servant à repérer les astres dans le ciel, et la Boussole. Certains historiens accréditent cependant l’idée que les plans du voyage auraient été conçus par Louis XVI lui-même.

Auteur du texte : Daniel de Montplaisir, historien

L'expédition

Après avoir longé les côtes du Brésil, les frégates passèrent le cap Horn au mois de . Ce fut ensuite un périple de deux années passées à écumer l’océan Pacifique. À bord, la vie s’organisait tant bien que mal et des observateurs rapportèrent que des frictions virent le jour parmi les passagers. En , un certain nombre d’entre eux, menés par Robert de Lamanon, entrèrent en conflit avec La Pérouse au sujet des honneurs que l’explorateur recevait et refusait de rendre à ses collègues, au cours des escales, à Macao notamment. La susceptibilité scientifique de certains était froissée. La Pérouse n’étant pas homme à accepter la révolte, les insurgés furent mis aux arrêts pendant une journée entière.

Tant bien que mal, et en dépit de l’ambiance morose, l’expédition se poursuivit. À partir de la mi-, l’expédition se concentra sur les archipels des îles Samoa et Tonga.

9 décembre 1787

Comme une île avait été repérée dans l’archipel des Tonga, l’île de Maouna (actuelle baie de Tutuila), les explorateurs tentèrent de s’en approcher, afin d’en faire le repérage. Un port indigène avait été repéré et Paul Fleuriot de Langle, capitaine breton de l’Astrolabe, y débarqua dans l’après-midi du . Il y reçut bon accueil. De nombreux habitants de l’île avaient embarqué sur des canots et observaient les puissantes frégates françaises qui mouillaient dans leurs eaux. De Langle, une fois revenu à bord, décida que l’endroit n’était pas suffisamment sûr pour y laisser les bateaux.

10 décembre 1787

Le lendemain matin, La Pérouse effectua une randonnée de découverte dans l’île. Plusieurs villageois le suivirent et l’accueillirent avec enthousiasme, allant jusqu’à l’inviter chez eux. Par la suite, l’explorateur loua les beautés naturelles qu’il observa lors de cette marche. Il retourna ensuite sur l’Astrolabe et remarqua qu’un chef indigène et sept de ses hommes se trouvaient à bord. Il leur offrit plusieurs présents.

Dans le même temps, deux officiers, Fleuriot de Langle, de l’Astrolabe, et Robert Sutton de Clonard, un lieutenant irlandais, informèrent La Pérouse de leur intention d’aller chercher de l’eau le lendemain dans la baie d’Aasu, en raison du risque de scorbut à bord. La Pérouse s’y opposa formellement et une dispute éclata. Finalement, il fut convenu que Fleuriot de Langle irait bien sur l’île le lendemain. Dans la nuit, un orage éclata.

11 décembre 1787

 
La mort de Fleuriot, Lamanon et de dix de ses hommes sur les plages de Manoua en 1787. Gravure de N. Ozanne (1797).

Le lendemain matin, à onze heures, de Langle prit avec lui 61 hommes regroupés dans quatre chaloupes. Parmi eux figurait Robert de Lamanon. L’approche de l’île fut assez difficile en raison des intempéries de la nuit passée. Finalement, on posa le pied sur la plage et l’on entreprit de recueillir de l’eau dans des tonneaux. Tout à coup, des pierres furent jetées par les indigènes. « M. de Langle n’eut le temps que de tirer ses deux coups de fusil ; il fut renversé, et tomba malheureusement du côté bâbord de la chaloupe, où plus de deux cents Indiens le massacraient sur le champ à coups de massue et de pierres. Lorsqu’il fut mort, ils l’attachèrent par un de ses bras à un tolet, afin sans doute de profiter plus sûrement de ses dépouilles. » Les Français ripostèrent, tuant, semble-t-il 39 indigènes. Douze Français étaient morts. Robert de Lamanon trouva la mort dans ce tragique événement.

Informé du drame, La Pérouse préféra cesser ses relations commerciales avec les habitants de l’île et fit voile vers les Tonga.

Par After Nicolas Ozanne (1728-1811) — Archives anglaises, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=10434685

L'expédition disparue

L’expédition appareilla de Brest le 1er août suivant et les premières informations sur son déroulement ne parvinrent en France que deux ans plus tard, par un courrier qui traversa la Sibérie. Puis ce fut le silence et, de nos jours encore, un mystère qui n’a pas été complètement élucidé.

Auteur du texte : Daniel de Montplaisir, historien

Louis XVI envoie un natif d'Aix-en-Provence à la recherche de La Pérouse

 Louis XVI, inquiet du sort de l’expédition de La Pérouse dont il est sans nouvelles, demande au chevalier d’Entrecasteaux de partir à sa recherche. Deux gabares sont armées pour l’occasion (rebaptisées pour l’occasion « frégates »), elles appareillent de Brest le 29 septembre 1791 : – La Recherche, commandée par d’Entrecasteaux, – et L’Espérance, confiée à Huon de Kermadec.

L’expédition ne permet pas de retrouver des traces de La Pérouse et se terminera de façon chaotique à Surabaya. Les navires passent à proximité de Vanikoro où vivaient encore certainement des rescapés du naufrage de la Boussole et de l’Astrolabe.

Antoine Reymond Joseph de Bruni d’Entrecasteaux atteint de scorbut, succombe en mer au large de la Nouvelle-Guinée le 3 thermidor an I (21 juillet 1793).

Son voyage, dont le récit fut publié par Élisabeth Rossel en 1809, fut cependant un succès indéniable puisqu’il permit la découverte de nombreuses terres alors inconnues. Il s’inscrit en ce sens dans la droite ligne des voyages scientifiques français, qui, de Bougainville à Dumont d’Urville contribuèrent aux XVIIIe et XIXe siècles à une meilleure connaissance de l’Océan Pacifique et des Océaniens.

La Recherche et L'Espérance, par François Roux. Les deux navires de l'expédition envoyée à la recherche de La Pérouse

Le Chevalier d'Entrecasteaux

Antoine Reymond Joseph de Bruni d’Entrecasteaux, dit le « chevalier d’Entrecasteaux », a été ondoyé et baptisé à l’église de la Madeleine d’Aix en Provence après sa naissance le 7 novembre 1737. En savoir plus sur Wikipédia

Portrait de d'Entrecasteaux (1791) par Charles-Paul Landon, d'après un dessin d'Edme Quenedey (1756–1830).

L'Histoire continue, sur les traces de La Pérouse à Vanikoro avec ce reportage de Thalassa ( 2008 - durée 53 minutes)

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