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Les origines de l’enseignement agricole
Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, les premiers projets d’écoles agricoles apparaissent sous l’influence des théories physiocratiques avec la création de sociétés savantes. Sur l’initiative de Claude Bourgelat, les écoles vétérinaires de Lyon (1761) puis d’Alfort (1765) sont créées.
Sous la Restauration, les premières initiatives privées et royales en faveur du développement d’un enseignement agricole distinct de l’instruction générale apparaissent :
- Les premières fermes-écoles privées sont créées (ex : l’Institut agricole de Roville, 1822).
- En 1824, l’Ecole royale des eaux et forêts est fondée à Nancy.
- En 1825, l’Ecole vétérinaire de Toulouse est créée.
- En 1826, l’Institution royale agronomique de Grignon est fondée par la Société royale agronomique sur des terres mises à disposition par le roi Charles X.
Sous la Monarchie de Juillet, une politique volontariste de soutien à l’enseignement et à la formation des agriculteurs est menée. Elle s’explique notamment par le contexte de crise agricole des années 1840 : dans une société encore majoritairement rurale, le soutien public à l’innovation agronomique et à la formation des agriculteurs vise à permettre la modernisation de l’économie française.
- Une politique de subvention des fermes-écoles et instituts agricoles privés est menée par le nouveau ministère du Commerce, de l’Agriculture et des Travaux publics, conseillé en la matière par le Conseil royal de l’Agriculture.
- L’enseignement est placé au cœur de la politique ministérielle via la création d’une direction d’administration centrale spécifique.
- Dès 1837, la première « Chaire d’enseignement public et gratuit de l’agriculture » est créée en Gironde avec la nomination d’un « Professeur d’agriculture », conformément à la circulaire du 30 juillet 1836 relative aux moyens de développer l’enseignement de l’agriculture. D’abord chargé de visiter les paysans et de réaliser des conférences, le « Professeur d’agriculture » donne des cours d’agriculture aux élèves de l’école normale d’instituteurs dès 1838.
Ainsi, l’un des premiers fonctionnaires en agriculture est un vulgarisateur et formateur d’adultes. Cet acte est fondateur pour une stratégie qui traverse les régimes jusqu’à aujourd’hui : l’Etat conduit ses politiques de modernisation de l’agriculture par l’enseignement et la formation professionnelle des agriculteurs.
Les deux actes fondateurs de l’enseignement agricole
Le premier acte fondateur de l’enseignement agricole public moderne est le décret du 3 octobre 1848 relatif à l’enseignement agricole et à la création des écoles d’agriculture. Ce texte institue :
- Des fermes-écoles départementales (en 1849, 68 fermes-écoles accueillent 855 élèves).
- Des écoles régionales de cadres,
- L’Institut national agronomique, qui doit former des ingénieurs et contribuer à la recherche.
L'institut agricole de Roville (1822-1842)
Il faut attendre le milieu des années 1820 pour que l’agronome lorrain Christophe Joseph Alexandre Mathieu de Dombasle créé un Institut agricole au sein de la ferme dite exemplaire, à Roville-devant-Bayon, village du département de la Meurthe, dont il a pris la direction en 1822. Cet Institut fonctionne pendant vingt ans jusqu’à la fin du bail (1842) et aboutit à la formation de près de 400 élèves.
Les origines de cet enseignement sont donc multiples. Et elles sont aussi européennes. Les structures de l’Institut de Roville s’inspirent largement de l’Institut prussien d’Albrecht Thaër fondé à Moëglin en 1819 (en Prusse).
L’établissement d’enseignement pour les enfants pauvres destinés à devenir valets de ferme, fondé à Hofwyl, près de Berne au début des années 1810, par l’agronome suisse Philip Emanuel de Fellemberg apporte aussi un cadre qui intéresse Mathieu de Dombasle mais qu’il n’applique que très peu. Il s’inspire des structures établies par ses prédécesseurs et essaie de les adapter au contexte lorrain. On remarquera ici que les exemples germaniques supplantent l’exemple anglais lors de la création de l’enseignement agricole français en Lorraine.
Dans le domaine pédagogique, Mathieu de Dombasle insiste sur la spécificité de l’enseignement agricole fondé sur la pratique, l’observation et l’expérience, ce qu’il désigne par l’expression de « clinique agricole ». Le champ cultivé devient l’objet d’une description précise, associant l’observation et le langage, support à la décision. Cependant, l’observation seule ne suffit pas, l’analyse de ce qui est vu doit favoriser la compréhension de la chose observée et en déterminer l’importance pour comprendre les interactions multiples avec l’environnement. Ainsi l’agronome a-t-il les moyens de décider une modification de l’itinéraire technique, voire du système de culture, ou de les conserver.
Ceux que l’on appelle progressivement depuis le milieu du XVIIIe siècle des agronomes (bien que le terme soit longtemps concurrencé par ceux d’« agromane » et « cultivateur » voire « agriculteur ») sont à l’origine de la structuration de l’enseignement technique agricole, en France mais aussi plus largement en Europe. Leur motivation principale relève de la lutte contre l’insécurité alimentaire. L’Europe connait encore une famine en Irlande au milieu du XIXe siècle, les rendements ne sont pas encore suffisants pour nourrir l’ensemble de la population.
Les agronomes accusent les routines paysannes (présupposées d’ailleurs ; l’accusation est injuste et particulièrement infondée) et militent pour une formation technique à destination des praticiens de l’agriculture. En réalité, et c’est le cas à Roville-devant-Bayon, ce sont surtout des chefs d’exploitation qui sont formés avant tout. Il faut produire plus, donc mieux. C’est ainsi que l’enseignement agricole est l’une des origines du productivisme agricole.
Extrait de Theconversation.com
Structuration de l'enseignement agricole 1848
Après les premières initiatives, souvent de courtes durées, la IIe République, avec le décret du 3 octobre 1848, institutionnalise l’enseignement agricole sous une forme scolaire. Ce décret prévoit un enseignement agricole hiérarchisé selon 3 niveaux :
supérieur avec l’Institut national agronomique (INA) ;
intermédiaire avec des instituts régionaux (Grignon, près de Paris, Grand-Jouan, près de Rennes et La Saulsaie transférés à Montpellier dès 1870) ;
subalterne avec les fermes-écoles.
Ces trois degrés de formation sont indépendants bien que constituant une sorte hiérarchie de compétences. Le but est de former des « cadres » compétents pour favoriser la modernisation des structures agricoles du pays. Les fermes-écoles sont destinées à former les « petites gens » de la terre, c’est-à-dire, principalement les fils des petits et moyens exploitants agricoles. Dans les régions qui tendent à se spécialiser dans les productions fromagères comme la Franche-Comté, ce sont des fruitières-écoles qui sont mises en place. Fermes-écoles et fruitières-écoles sont régies et organisées selon les mêmes textes et les mêmes principes.
Extrait de Theconversation.com