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Le contexte national
Après la défaite de Waterloo, Napoléon 1er abdique le 7 juillet 1815. Les pays européens coalisés replace sur le trône le bourbon Louis XVIII, frère de Louis XVI. Sous une monarchie constitutionnelle, le nouveau roi est censé recréer une unité française, conciliant l’Ancien régime, la Révolution et l’Ancien Empire napoléonien. Des élections sont organisées pour élire la chambre des députés des départements. Les ultra-royalistes obtiennent 90% des sièges.
Dès l’été 1815, le champ est laissé libre à l’expression de la violence politique : c’est alors la terreur blanche, une situation de désordre social à la limite de la guerre civile. Les Blancs s’attaquent en fait de façon large à ceux qui, pour eux, incarnent l’ennemi de la monarchie légitime et catholique : anciens révolutionnaires, possesseurs de biens nationaux, républicains, bonapartistes, et protestants, sont la cible de vols, pillages, vexations, agressions physiques, viols, ou meurtres. Les passions politiques enflamment les rues, et les très nombreux actes de violence ne sont que très peu réprimés, par manque de moyen ou de volonté. Le pouvoir se rend ainsi complice, par impuissance, négligence ou complaisance, de cette violence qui s’empare du Midi. À l’automne, une reprise en main est annoncée par le pouvoir central dans une volonté de rétablir le calme dans le royaume. Les enjeux diffèrent alors : au-delà de l’accalmie des craintes immédiates quant à l’avenir du régime, l’élection de la Chambre introuvable annonce des problèmes différents, et la nécessité absolue pour Louis XVIII de contrôler les éléments monarchiques les plus remuants.
La terreur blanche dans le département du Gard et à Nîmes
Au niveau local, les termes de la question se complexifient encore en raison d’une situation nîmoise au sein de laquelle les oppositions politiques se doublent d’antagonismes religieux et sociaux. Les évènements révolutionnaires ont laissé de profondes traces dans cette ville qui était déjà la proie de conflits religieux depuis le XVIe siècle. Le Gard est, au début du XIXe siècle, le principal foyer de protestantisme en France. Les principaux notables de la ville sont souvent de cette confession, face à un petit peuple majoritairement catholique, en difficulté matérielle, et en colère. À Nîmes, la terreur blanche a été plus violente qu’ailleurs, plus durable également. En effet, si dans la plupart des provinces françaises, le calme est rétabli dès septembre 1815, c’est à Nîmes, en revanche, que les derniers soubresauts de la terreur blanche se font sentir. Le processus de retour à la normale doit passer par la réouverture des temples protestants fermés depuis l’été, comme le veut le respect de la Charte constitutionnelle qui, certes, proclame le catholicisme religion d’État, mais garantit cependant la liberté de culte. Le général Lagarde est chargé de faire régner l’ordre pendant cette opération, qui a lieu le 12 novembre 1815. Mais l’évènement tourne rapidement à l’émeute, et le général Auguste LAGARDE, représentant direct du pouvoir royal, est blessé par un coup de feu intentionnellement dirigé contre lui.
Durant la « terreur blanche », la femme de Jean Baptiste de GIGNOUX, Jeanne Marie SABONADIERE, de religion protestante, habitant à Nîmes, se cache avec sa fille Anne Amélie, dite Jenny au Vigan (Gard). Sans argent, elles doivent gagner leurs vies en confectionnant des franges de châles.
Scènes lors de la terreur blanche
Le 21 novembre 1815, Louis XVIII signe une ordonnance très ferme. L’attentat contre le général Lagarde y est qualifié de « crime atroce ». Le texte prévoit des mesures pour trouver et traduire en justice les responsables afin de les punir avec la fermeté appropriée, pour désarmer la population, et envoyer des troupes à Nîmes. Cette dernière mesure doit contribuer à assurer le maintien de l’ordre dans la ville, mais également exercer une pression sur les habitants. L’entretien des troupes est d’ailleurs mis volontairement à la charge des Nîmois jusqu’à l’arrestation des coupables. Le ton employé montre la sévérité et la fermeté du roi face à ce qui est assimilé à un acte de rébellion. S’opposer à la liberté de culte revient à s’opposer à la Charte qui la garantit et au monarque qui l’a octroyée. Attenter à la vie d’un homme qui tente de faire respecter la volonté du roi est encore plus grave. Même au nom de Dieu, l’autorité royale ne peut plus être remise en cause. Le 12 novembre 1815 initie donc une politique de reprise en main par la monarchie. Le général Lagarde survit à sa blessure ; l’auteur du coup de feu n’est pas retrouvé en dépit des mesures annoncées. À Nîmes, dans une ville qui a souvent été le théâtre de violentes manifestations politiques durant la trentaine d’années précédant la Restauration, l’ordre est toutefois rétabli. L’objectif réel d’une monarchie, dont l’attitude ambiguë est le reflet des enjeux complexes auxquels elle fait face, est atteint.
Extraits du texte de Magali VIDAL.
Sources
- Violence politique populaire et réaction étatique : les évènements du 12 novembre 1815 à Nîmes vus à travers le Journal des Débats de Magali Vidal dans Parlement[s], Revue d’histoire politique 2011/3 (n° HS 7), pages 162 à 167
La Terreur blanche et l’application de la loi Decazes dans le département du Gard (1815-1817) de Lewis Gwynn dans Annales historiques de la Révolution française Année 1964 176 pp. 174-193